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« (…) Le Lot, là où Ferit aimait travailler, en y retrouvant le lit de la Dordogne et les contours toujours renouvelés des vallons environnants. La France, ce merveilleux jardin-musée, avec ses paysages façonnés par la main de l’homme au cours des siècles d’agriculture, présente dans ce département des panoramas d’une perfection rare, vous donnant l’impression de vous déplacer en permanence au travers des tableaux en trois dimensions peints par Ruysdael. Ce fut peut-être le point de départ qui allait inciter Ferit Iscan à venir s’inspirer des rivières et de la végétation (Paysages, Présences végétales, Présences animales) durant une longue période de sa création.
« (…) Homme libre, Ferit Iscan connut différentes périodes. Au début des années 60, il se lança dans une recherche centrée sur l’agencement simultané d’une myriade de touches colorées (Présences indéfinies), qui représentaient déjà une figuration déguisée, avant que ne vienne éclater, à partir de 1967, un feu d’artifice où allait dominer surtout le bleu, avec l’apparition dans ces nouvelles compositions, représentant souvent des âmes torturées (Corps éperdus) à l’apparence d’ectoplasmes. Un tournant radical apparaît en 1970, année à partir de laquelle Ferit s’attaque aux figures géométriques (Les boîtes, Souvenirs fugaces), aux perspectives (Paysages), placées directement sur des bouillonnements de couleurs. Comme allait le dire Jean-Dominique Rey dans un texte publié en 1987, ‘au-delà du sujet, le regard reste séduit par l’économie des moyens et la densité de l’évocation : tout est situé mais rien n’est appuyé’. Tout est là justement. Ces tableaux là ont ceci d’extraordinaire que vous les découvrez d’un œil nouveau à chaque fois que vous les regardez. Ils ne donnent d’eux-mêmes que ce que vous vous êtes disposé à en recevoir à un moment précis.
« Ce livre se veut un hommage à une étoile filante du monde de l’art, qui était probablement un personnage discret, enfermé sur lui-même, sachant découvrir dans ses toiles les angoisses, les tensions du monde en même temps que ses propres peurs. En regardant les photographies de Ferit Iscan, et en voyant à quel point le personnage semble ‘physiquement’ différent d’une période à l’autre, on a réellement l’impression, avant même de parler de sa création picturale, d’être face à quelqu’un qui semblait prendre goût à une sorte de mutation permanente. Pour Roger Grenier, l’œuvre d’Iscan est ‘une aventure psychologique, l’évolution d’une sensibilité, qui subit non seulement ses propres tensions intérieures, mais la pression des événements et même, discrètement, de l’Histoire’. La confrontation avec l’extrême intensité des sentiments qui se dégageaient des scènes qu’il savait si bien transmettre a dû certainement lui être fatale. On ne se mesure pas impunément à la recherche de l’absolu, même si l’absolu sait si bien revêtir mille facettes.
Comme l’avait écrit Geneviève Breerette dans Le Monde, nous avons ici ‘un langage pictural motivé par un besoin profond de signifier une réflexion quasi philosophique sur la nature des choses’.
« Ferit est donc un artiste à découvrir, à redécouvrir de toute urgence. Les très nombreuses photos de cet ouvrage vous aideront certainement à mieux saisir l’étendue de son talent, la puissance de sa lumière ».
Kerem Topuz