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À propos de « Dordognes et autres rives »
Entretien avec François Pédron
– Dordogne ?
– Dordognes, au pluriel. Plusieurs Dordognes (Paysages). Je les vois différentes selon les lieux et les heures, selon la lumière, le temps. Il y a des saisons pour moi moins fertiles. J’ai découvert le pays pour des raisons affectives il y a vingt-cinq ans. La Dordogne que j’aime et que je connais se situe assez précisément entre Carennac et Souillac. C’est la partie qui traverse le département du Lot. Une fraction que j’ai parcourue et fréquentée avec beaucoup de constance.
– Pour des raisons affectives …
– Oui, et ensuite, j’ai eu l’impression qu’elle se découvrait à moi, qu’elle se soulevait pour me montrer ce qu’il y avait en-dessous… Sa robe. Il ne m’est pas indifférent que la Dordogne soit un nom féminin. Après ce premier choc, dont je n’ai pas trouvé une traduction immédiate, j’ai mis très longtemps à trouver un dialogue plastique. J’ai d’abord découvert le pays et, à l’intérieur, le lit de la Dordogne. J’ai une attirance pour l’eau en général, et mon amour de la pêche n’y est pas étranger. Avec, en plus, ce qu’une rivière peut offrir de thèmes, de séductions diverses pour un peintre. L’eau (Présences végétales, Présences aquatiques, Présences animales), d’une rivière propose constamment des thèmes qui s’opposent. Les masses minérales inertes ; le monde végétal, en mutation permanente ; le passage imperturbable de l’élément liquide. Il y a dans l’eau des quantités de particules qui sont le graphisme du mouvement, les développements chromatiques, les changements. Et puis il y a une symbolique dans le passage de l’eau. L’eau qui passe, c’est très important. J’aime bien les lacs, les étangs, mais ils ne me retiennent pas autant qu’une rivière. C’est un peu le même principe de fascination que le feu dans la cheminée. Toujours pareil et jamais identique.
– C’est une rivière de faible tirant d’eau ?…
– Au contraire ! Quand elle s’appuie sous les falaises où il peut y avoir des fonds de plus de trois mètres, elle a une puissance contenue. Ensuite, elle être très ruisselante, vive, capricieuse, ou courir sur des gravières avec des remous, un calme, puis la glace. Cette mouvance procure un habitat truites/brochets rare et très stimulant pour un pêcheur. Et puis il y a les sédiments qui contrarient le courant et l’érosion qui creuse les berges…
– C’est une vision géologique…
– Entomologique aussi. Les phryganes, les mouches de pierre, les barbolles, tout ce petit monde qui va devenir nymphe puis éphémère me captive.
– Comment en profites-tu ?
– J’ai une maison, Courtemassole, entre Montvalent et Meyronne, à mi-chemin du Causse. Elle n’est pas au bord de la rivière et je suis content d’avoir un bout de chemin à faire. Je regarde en passant si je trouve quelque chose – un bout de bois, un caillou, un crapaud… Je connais aussi des petites routes qui mènent sur les sites où j’ai envie de travailler. Roc des Monges, Perincou, Peyrazet. Se je veux me rapprocher de la rivière, je vais sur mes coins de pêche. Le nez sur l’eau, je la vois, je la sens, je la hume. C’est une autre approche.
– À pied, à vélo…
– De préférence avec un vieux vélo, un Terrot d’avant-guerre récupéré dans une décharge. Mais pas toujours. Je ne suis pas très sportif. J’emporte mon petit matériel de campagne, quelques crayons, un carnet de croquis, une minuscule boite d’aquarelles et ma canne à pêche. Avec ça, je me sens paré et disponible pour affronter ce qui se présente.
– En 25 ans, dans le même lieu, renouvellement des sensations ?
– J’ai de plus en plus l’impression de toucher davantage les choses. Jusqu’ici, je regardais, simplement. Maintenant, j’ai l’impression, d’absorber. Découvertes qui se font dans des directions très différentes, inattendues. Après les premières promenades de contacts, je vois comment les paysages (Paysages, Paysages compacts) s’interpénètrent. Telle vallée se finit à tel endroit. Pourquoi le Causse commence-t-il là, pourquoi la couleur des chênes change quand on s’élève par rapport à la vallée. La carte géographique assimilée, la construction du paysage digérée, on arrive à la lumière. C’est passionnant quand on découvre tout ce qui n’est pas écrit sur la carte. Je me suis aperçu qu’il y a une incidence de la lumière sur le sol qui me rappelle la région de Florence. Au lieu d’être absorbée, comme dans le midi, ici la lumière tombe et rebondit. Elle se diffuse au niveau du sol, à travers les arbres, ce qui provoque une espèce de crépitement lumineux très singulier. Je fais mes travaux d’imprégnation au printemps, où la lumière ne fait pas de ‘projection’, elle se promène …
– Est-ce que tes rives sont des rives de printemps. Exclusivement de printemps ?
– Je ne m’attache pas particulièrement à la saison en tant que saison. Au printemps et en été, les arbres sont gonflés, complets. La vision maigre et nue de l’hiver me touche, mais pas sur le plan plastique. Le résultat de ces arbres ‘complets’ est important, beaucoup plus la masse que, même, la couleur.
– C’est un peu un sophisme, cette masse est complètement dépendante de la saison. Le résultat ne peut être atteint qu’au printemps. Pourrait-on dire que tu es le peintre du printemps ?
– Je n’aime pas beaucoup ce qualificatif ni les étiquettes en général. Il est d’abord trop restrictif. Il ne faut pas se soumettre à une saison. Je vois plutôt une surface, le sol, sur laquelle une matière s’agite, crépite, palpite. Et, sur cette surface, un léger bouillonnement d’où surgissent tous les organismes vivants. C’est en cela que cette saison est importante, mais pas du tout, ni pour les verts tendres – que je n’emploie d’ailleurs pas tellement – ni pour les fleurettes.
– Ton horreur des bras noirs des arbres, des vols des noirs corbeaux, c’est depuis toujours ?
– L’allure de la mort ne m’effraie pas, au contraire. Je suis assez attiré par l’aspect décomposé et la métamorphose qui précède la mort. Mais le squelette me dérange dans sa notion de symbole nu. Quand j’ai peint des angoisses et des étreintes mortelles dans ‘les âmes de cendre’ (Corps éperdus), ce sont des courants ou des morts dont les corps ont leurs chairs et tout ce qui en fait un ensemble. Quand je vois un arbre nu, j’ai l’impression d’être devant un organisme incomplet. C’est ce qui me gêne. Schématiquement, un arbre, c’est un O sur un I. Ce I sans son O, c’est frustrant. Quand il y a une accumulation d’arbres les uns à côté des autres, cela produit une espèce de toison, une épaisseur, une profondeur dans laquelle on se plonge avec mystère et une délectation certaine. Quand la forêt est nue, on la traverse d’un seul regard ; il n’y a plus cette ombre épaisse sous les arbres, seulement des évidences.
– Cette imprégnation est-elle mesurable en heures ?
– Le facteur temps est très relatif. On peut en une fraction de seconde concevoir une toile de rêve… et rêver des heures durant pour un résultat finalement décevant.
– Alors, tentation de peindre x fois le même méandre. Je ne vais pas parler des ‘Nymphéas’.
– La tentation existe. J’ai effectivement un parcours, des territoires privilégiés, le pont de Floirac (Paysages) par exemple. Je l’ai traité plusieurs fois. C’est un endroit où je retrouve une concentration d’éléments qui me touchent. Il y a une petite île découpée en bordure de courant, il reste le souvenir de la terre où il y a eu des arbres. La percée qui s’en va, qui remonte vers la Corrèze, diffuse une lumière différente dans le lointain.
– Tu n’imposes jamais le sens du courant. L’eau va amont, aval.
– On n’a pas besoin de savoir où va la rivière. Elle va. Il est important de savoir qu’elle bouge (j’ignore moi-même parfois le sens du courant). La direction de son mouvement n’est pas une indication que je souhaite donner.
– Peut-il y avoir d’autres amours ? D’autres eaux, la mer…
– Comme en amour, on recherche toujours la même femme…
– Dans le titre de l’exposition, il y a « autres rives ». Pourquoi ?
– La Dordogne est unique mais pas seule. Par exemple j’ai découvert, il n’y a pas tellement longtemps, une rivière en Espagne, le Rio Cares, plus encaissé que la Dordogne, mais d’une incomparable qualité d’eau. Il n’y a pas d’usine dans le Monts cantabriques. Vers les sommets, il y a des ruisseaux qui ne sont même pas nommés, appelés simplement là-bas les ‘eaux de hautes montagnes’. Je n’y vis pas comme en Dordogne, ce n’est pas mon territoire familier. Je fais quand même un transfert de la Dordogne sur le Cares. En France, il est de plus en plus rare de trouver des rivières préservées. Comme son débit est assez important, la Dordogne arrive à survivre malgré les pollutions de toutes sortes. Les dragues, par exemple, soulèvent des vases qui se déposent sur les galets. Les larves qui prospèrent sous les cailloux sont asphyxiées. Or le goujon vit sur le fond ; si sa nourriture disparaît, il meurt ou il va ailleurs s’il le peut. Les goujons sont sacrifiés au macadam.
– Tes paysages sont sans hommes (Paysages)…
– La trace de l’homme se suffit dans le morcellement parcellaire du terrain, le dessin et la taille d’une haie, les routes et les chemins, la mise en place d’un système de culture, un terroir paisible, encore que je sente parfois une sorte de lassitude, de peur (de terreur ?), de menaces qui pèsent, de coupes sombres dans les forêts, de multiples agressions contre la vie.
– On a envie d’avancer dans tes toiles. À l’aventure, comme la chèvre de Monsieur Seguin. Et on pense que le loup se cache.
– Il y a sûrement un loup. Il existe ? À quel moment il va se manifester, je ne sais pas, mais il y est.
– Les rares hommes que l’on voit dans tes toiles ne sont pas des loups ?
– Comment savoir. Ce qui est inquiétant, c’est ce qu’on ne voit pas. Pas encore.
– L’apocalypse déjà sous le règne prolongé ?
– L’apocalypse ? Dès que le brochet sort de sa tanière, c’est l’apocalypse pour une truite, un gardon ou un goujon ! Faut-il qu’il soit visible, ou faut-il simplement le pressentir ?
– Le hasard du geste dans l’atelier rencontre-t-il forcément (et pourquoi) la (les)mémoire(s) ?
– À Paris, je m’enferme. Je travaille en deux temps. La toile blanche, exaspérante bien sûr. Il faut faire taire ce silence. Je commence par imposer un rythme que j’ai dans la tête ou dans la main. Je répartis une masse des couleurs pour définir une ambiance atmosphérique sur l’ensemble de la surface. Plus en valeurs qu’en couleurs. Recherche de la lumière dans le ciel, sur la surface de l’eau, découpage de zones. Après, il faut donner la parole à ces zones anonymes. J’aime bien cette phase informelle. Quelle tentation ! Je cherche un contour : un pont, un méandre… J’utilise ma documentation : dessins, aquarelles, photos… Et la pâte lève, ou ne lève pas. Mais à quel moment a-t-on assez nourri le tableau pour qu’il puisse avoir une allure décente en public ?
– Pour lui laisser partir vivre sa propre vie ?
– La vie publique d’un tableau est un phénomène du regard. Il réagit différemment, abandonné dans un coin poussiéreux de l’atelier, ou bénéficiant de soins particuliers pour sa mise en valeur. Je suis convaincu du pouvoir interne (magnétique?) qu’un tableau peut développer ou dissimuler selon les circonstances. Mais il est très angoissant de décider du moment final et aucune théorie ne peut définir ce moment. Un jus d’essence peut suffire pour qu’une toile soit chargée de tout son contenu alors que des kilos de matières diverses n’y parviennent souvent pas.
– T’acharnes-tu sur une seule toile ? Ou es-tu ‘polygame’ ?
– Je refuse cette monogamie ! Je ne serai jamais l’esclave d’une seule toile. J’en travaille plusieurs en même temps. Certaines, vite, d’autres, à la traîne. Plusieurs thèmes, plusieurs sujets attendent leur tour. Je ne sais d’ailleurs pas ce qui me fait choisir, il y a une notion de jeu : lequel va franchir le poteau le premier. Il peut se passer un temps très long entre la sensation vécue et le moment où je la peindrai. Je peux aussi avoir une imprégnation de sujets complètement différents de ce que je peins à ce moment-là. Je les mets en attente, quelque part dans un tiroir. Ils peuvent ressurgir trois mois ou trois ans plus tard.
– Qui ouvre le tiroir ?
– Je n’ai pas de clef dans la poche. Il n’y a pas de système. En ce moment, je peins simultanément des paysages et mon atelier (L’atelier). Il y a cinq ou six ans, je suis allé me promener dans les serres de Bagneux. J’ai fait des toiles et puis je n’ai plus repris ce thème. Ainsi, un cycle entier s’est développé parallèlement à des paysages.
– Y a-t-il une planification de tes envies/volontés/inspirations ?
Je n’aime pas beaucoup attendre l’inspiration pour me mettre au travail. Je préfère adopter un rythme continu. Il doit se passer quelque chose. Il peut y avoir un temps mort, mais pas forcément négatif, qui servira de préparation. Puis, à un moment donné mais non déterminé, l’instant magique se révèlera. Le temps aura fait une partie de son oeuvre.
– Prochaine démarche ?
– J’entrevois un thème avec désir et angoisse : des figures, portraits, visages (Nus). Mes paysages, je les connais. Je sais à peu près quelles traductions leur trouver. Mais j’ai moins la curiosité de m’y découvrir. Je suis maintenant plus curieux de connaître ma réaction devant une figure.
– Il te faudra des modèles. Ils t’emmerderont, troubleront ta sérénité, alors que tes Dordognes… (Paysages)
– Elles m’emmerdent aussi ! Elles m’occupent, elles me préoccupent. En permanence. Quand je passe au bord de la Seine, je vois toujours la Dordogne.
– C’est une étrange obsession ?
– Cette manière un peu forcenée d’explorer le paysage remonte à sept ans. Si je me réfère à la manière dont je travaillais précédemment, je ne me suis jamais tenu à un thème aussi longtemps.
– Adieu les rives ?
– Je ne crois pas. Si j’aime ouvrir des tiroirs, je déteste les refermer définitivement et j’aime penser que je peux revenir sur les lieux qui m’ont déjà apporté beaucoup. Je ne brûle pas la passerelle qui m’a aidé à
franchir la rivière.

« Un ordre de la nature… »
Jean-Jacques Lévêque
« Voici une toile d’Iscan. On est au ras de l’eau, comme l’on dit à ras de terre. On la sent frissonner tout près de nous. Murmurante quoique déjà étale. Elle joue avec des galets, fait la belle, s’attarde, musarde. On y serait bien au frais, on pourrait s’y risquer. Le soleil l’a chauffée. Elle poursuit, dans les profondeurs qui se creusent dans le tableau, son jeu de miroir où se réfléchit, lourdement, le flamboiement végétal qui occupe toute la partie droite sur la toile. Le haut du tableau coupe franchement dans le bouquet des arbres pressés et appuyés sur l’onde. Qui s’est promené en barque, dans ces rivières qui sont comme de languides femmes attardées dans leur lit, abandonnées à quelques esclaves qui façonnent des sortes d’étangs, tandis qu’en son centre la rivière (Paysages, Présences végétales, Présences aquatiques, Présences animales) suit son cours, si bien que les herbes aquatiques qui y croissent suivent là, en traçant comme un sillon dans sa chair, le fil du courant ; qui a écouté le chuintement très doux, frais, de l’eau, tandis qu’en ses abords immobiles – ou presque – les libellules se risquent de quelques vols plongés jusqu’à la surface qu’elles ponctuent si légèrement, si délicatement, que les poissons goulus qui croisent dans les profondeurs, n’ont même pas le temps de s’en apercevoir ; qui s’est abandonné à la nonchalance de l’eau, sait de quoi je parle.
« L’arbre s’est regardé si longuement dans ce miroir changeant, mais à peine, qu’il a fait corps avec lui ; que l’eau ne fait pas que l’enchanter de son reflet, elle a creusé à sa base des zones spongieuses. Un règne intermédiaire de l’eau et de la terre où se nichent des forces, des vies, des soupirs, un grouillement de la nuit, un sursaut des profondeurs. Car l’arbre qui fraternise avec l’eau, n’est pas l’arbre des forêts que ne visite et n’anime que le vent. Il est plus fragile mais plus voluptueux, plus sensible, plus sombre aussi, nourri des effluves apeurées de profondeurs aquatiques, hanté par le rat, ce compagnon des rives, furtif mais obsédant, et qui creuse ses tranchées dans un sable si mouillé qu’elles s’effondrent après son passage.
Effort superbe et vain. L’arbre de l’eau, ce voisin végétal des étendues qui ne sont immobiles que d’apparence, est lourd d’une inquiétude qui nous habite à leur approche. L’arbre qu’Iscan a peint, formidable boule d’un vert si sombre qu’il se pose aux portes de la nuit, cet arbre sentinelle de nos peurs et de nos voluptés champêtres, c’est le cœur du tableau, son point axial, sa clef.
« Derrière lui (car il est si vaste, si résolument avancé dans notre champ visuel, qu’il cache toute une partie du paysage qu’on ne peut plus qu’imaginer – derrière lui – car la rivière se courbe à sa hauteur, le frôle en ses plus basses branches et s’égare dans des lointains que souligne une autre courbe, inverse de la première), derrière lui : le repos ? D’autres arbres sans doute. Ou peut-être rien, une prairie qui s’abandonne, elle aussi, au défilé de l’eau qui la borde : une ponctuation d’autres arbres qui auront pris leur distance. C’est la part qui est abandonnée à notre imagination.
« Il n’est pas de tableaux qui disent tout. S’il le faisaient, ce seraient des tableaux morts. C’est la part cachée qui justifie souvent ce qui est montré.
« Sur l’autre rive tout est visible. Ou plutôt la frange immédiate, bouillonnante, de vert ardent. C’est comme une armée qui marche, et qui aurait été arrêtée par cet intermède aquatique. C’est bien vrai qu’une rivière est une frontière. Au-delà, ce n’est plus pareil, mais tout au long de son parcours, c’est le même spectacle qui se poursuit encore qu’il évolue, s’articule en stances, en séquences, en reprises, en surprises. On se sera égaré dans les profondeurs, et l’on aura rencontré du vert encore. En masse, en vague, et l’eau figée là par la distance. On la sait vive, on la voit immobile comme du mercure. Et d’être encaissée dans une vallée assez profonde, qu’accusent des lignes élégantes quoique évidentes de quelques collines, elle dramatise son parcours.
« Mais Iscan n’est pas un affabulateur.
« Peignant la rivière – celle où il aime pêcher, peignant ce paysage qui lui est familier – il ne transporte pas des fantasmes personnels. Il ne nourrit pas le paysage de quelque chose qui lui est extérieur. Il s’est nourri du paysage. Il nous montre son évidence.
« Et c’est sa force de nous inviter, dans le même temps, à nous interroger. Comme lui-même, sans doute, s’est interrogé. En regardant du vert, en se promenant dans le vert. Il est revenu le lendemain, comme il était venu la veille. Il y a quelque chose du chasseur dans le peintre, la même obstination pour débusquer la bête, ce qui est caché.
« Iscan est donc revenu le lendemain. Il viendra les jours suivants. Il aura même photographié la rivière, ses bords d’arbres, une brume qui, à cet instant-là, montait de son corps lourd, déjà engagé dans la nuit.
« Mais il a varié les angles. Il aura pris ses distances. De la hauteur. Et voici que l’eau à la base du tableau semble surgir d’en-dessous de nos pieds. Parce que nous sommes comme suspendus au-dessus de son lit large et puissant à cet endroit. Vision en surplomb qui prend, en son plein essor, un arbre, lui aussi profondément enfoncé, et qui aura pris sa naissance en dessous de nous. Il est posé comme un guetteur sur le plan de la rivière, qui s’est étalée là si bien que sa rive, sur la droite, se présente face à nous. Ce sont des sortes de talus gazonnés. Assez semblables à ces repos que sont les clairières dans une forêt. Un de ces endroits miracles pour qui aime s’attarder sur les bords des cours d’eau. Des arbres sont alignés presque sagement. On en devinera de plus superbes, de plus généreux, qui prolongent les bords de la rivière en dense forêt. Au milieu l’eau aura décidé de poursuivre son chemin. D’ailleurs, surgissant de la gauche au deuxième tiers de l’arbre-guetteur : l’autre rive, où il semble que les arbres croissent jusqu’à l’onde. Là encore les lointains sont tranquilles, mais disposés comme une sorte de scène de théâtre. Une crique. On n’est pas certain que l’eau poursuit vraiment là son chemin.
« Peut-être, au contraire, est-elle retenue par le rivage. Le peintre nous a égarés. On croyait pouvoir suivre un itinéraire, on s’est joué de nous. De l’eau partout. Mais un itinéraire douteux. Nous sommes des guetteurs frustrés. Le peintre peut-être l’a-t-il été avant nous. Si bien que le lendemain il aura posé son chevalet plus haut encore. Dominant cette fois la rivière dans toute son étendue.
« Plus d’équivoque. Elle fait son chemin franchement, quoique nonchalamment sur la toile. On voit très loin. Des horizons de montagnes. Des brumes bleues d’aurore, et qui noient les reliefs.
« Qu’importe, notre champ visuel est très large. Il recueille, outre la rivière, dans ses caprices, ses dédoublements (d’où les îlots, des zones habitées, organisées), des arbres alignés comme à la parade : ils balisent des champs et des près. D’ailleurs les différentes teintes du sol trahissent des cultures.
« Un riche paysage s’est ordonné devant nous, qui nous parle des hommes qui l’habitent. Des hommes qui l’ont créé. Il est si vaste que peut-être certains de ceux qui y vivent ne l’ont-ils jamais quitté.
« Une naissance, une vie, une mort se sont succédées dans cette architecture, à la fois grave et tranquille, de montagnes, de prairies, de bosquets, de groupes d’arbres et de villages, dont la rivière aura été le nerf, le système sanguin.
« Les plus prosaïques de ces riverains, les plus casaniers, se seront laissé emporter par l’imagination au fil de cette eau qui leur aura donné la vie, la nourriture quotidienne, aura dessiné leurs territoire. L’eau n’est pas seulement la vie, elle est le voyage. Et, d’être tranquille, l’eau n’en est pas moins imaginative. Ceux qui s’y égarent en reviennent toujours un peu différents. Pourquoi croyez-vous que les pêcheurs restent si longtemps immobiles à ses abords ? La prise n’est qu’un prétexte. Ce qui importe, c’est cette onde qui coule à leurs pieds, au bout de leur ligne, et les emporte dans leur doux cheminement végétal.
« Au principe d’une vision panoramique il faut revenir. Elle est importante chez Iscan, fréquente. Elle a ses antécédents dans l’un des plus beaux tableaux du monde : ‘Les chasseurs dans la neige’, de Peter Brueghel, ou encore dans cet autre magnifique oraison de l’univers qu’est ‘La Bataille d’Alexandrie’ d’Altdorfer.
« Dans les deux cas, et qu’importe l’anecdote, une chasse, ici un conflit armé, là il s’agit d’un regard qui globalise à l’instant même où il détaille. Pratiquement ce qui semble être un paradoxe, mais qui est une vision totale de la réalité.
« (…) Brueghel nous aura raconté un divertissement populaire, dressé une page de la vie quotidienne, Altdorfer une page d’exception, un fait militaire, une page d’Histoire.
« Mais qu’importe. Il est manifeste que l’un et l’autre, au-delà sur sujet, se sont plu à recréer le monde.
« De le voir de loin, de haut, leur permet de diversifier les accents, encore que c’est dans l’unité retrouvée qu’ils ont leur raison d’être. On pense à quelque chef d’orchestre qui, du haut de son pupitre, domine le demi-cercle formé par ses exécutants.
« De lui seul dépend la qualité de tous ces apports diversifiés, puisant, en chacun de leur détail, mais que, seule, une décision souveraine, va pouvoir harmoniser.
« Un peintre est aussi un chef d’orchestre. Importe peu, ou relativement, la mélodie. Ce qui compte, c’est de savoir donner la mesure.
« Adoptant le ton familier et narquois des comptines ou peut dire que ‘paysager’ n’est pas voyager.
« Mieux encore. Pour tous ceux qui ne sont pas Gauguin toujours en fuite vers d’autres horizons, c’est retourner vers les chemins du souvenir.
« Parce que peut-être, comme l’a justement noté Marcel Proust : ‘le seul véritable voyage, ce n’est pas d’aller vers de nouveaux horizons, mais de voir l’univers avec les yeux de cent autres’. Cela s’appelle le souvenir. Et le souvenir est intimement mêlé à la culture. Fait de culture.
« Encore qu’elle ne doive pas étouffer ce qu’il peut y avoir d’éminemment personnel, d’irrépressible, d’inconscient, d’inconditionnel, de tyrannique, dans le geste d’un peintre qui fait de quelque chose de radicalement nouveau, différent, une permanence de sa manière (s’il ne la maîtrise pas, cela deviendra un tic).
« La culture d’Iscan n’est pas de celle qu’on exhibe avec ostentation, à quoi l’on se réfère pour s’excuser, ou se parrainer. Pas plus qu’il n’invoque quelconque théorie.
« Tout au plus des adaptations aux problèmes spécifiques de la peinture, de certaines méthodes de vision qui furent initialement plutôt du domaine de la photographie ou du cinéma.
« Il avait vu grand, large, de haut, de loin. Il avait adopté des positions en surplomb. Mais si vaste était l’horizon, on savait qu’autour, et derrière le peintre, ce qu’il déployait en splendeurs de perspectives douces d’eau et de feuillages, se poursuivait, le cernant. D’être au cœur du paysage, et si intimement mêlé à ses déclinaisons, faisait le peintre prisonnier de son sujet. Faiblesse de la technique – une caméra ferait alors un plan tournant – frustration d’un cadrage qui est de toutes manières toujours trop ‘serré’.
« Alors, faute de pouvoir totaliser un paysage dans une toile classique, Iscan a résolu de ramasser tout le paysage dans sa toile. En boule. En masse. En motte. Motte ou falaise. Selon qu’il s’agisse d’une nature gorgée d’eaux, verdoyante, ou d’un terrain crayeux, âpre.
« Sans doute c’est un parti pris, un jeu ?
« Une vision dominante, qui n’est ni inspirée par la mégalomanie, ni davantage par une maladive volonté de se détacher de la réalité. Il y a trop de relations et de sensations échangées entre le peintre et ce qu’il peint, de fines complicités, une connaissance profonde des matières qui composent la nature, pour qu’Iscan soit tenté par quelque vision généralisatrice, une synthèse artificielle, nécessairement castrante. Parce qu’elle fait, de la réalité, un concept.
« Et l’on dirait même que d’avoir été amené à cette convention, et pour la mieux justifier, il raffine dans le détail.
« La motte-paysage (Paysages compacts) est devenue une colline si gorgée d’eau qu’elle ruisselle de toutes parts, fait ses lacis, ses cascades, ses chemins délicieux, dans la masse sombre des végétaux qui ne sont que discrètement évoqués. Toutes les forêts du monde dans le poing. Ce n’est plus l’idée de l’arbre qui vient, mais du vert. Une peau qui fait le paysage semblable à quelque animal très doux, et que l’on dirait tapi.
« Comme en un long sommeil. Le terre rêve. Cela est bien connu. Quelquefois elle gronde, elle se fâche. Elle fait des siennes. Alors elle craque, se fissure, des pans entiers se dressent, s’entassent, s’affaissent. C’est comme un gâteau, un mille-feuilles que vous auriez dans la main, et qui se disloquerait. Et pourtant, des zones sont préservées, disant encore le vert d’un paysage qui, pour être celui d’une mini-catastrophe, fut celui d’un délice. Et selon le déséquilibre apporté par le peintre entre les survivances et les ‘accidents’, on voit bien mieux quelle tempérance des origines aura été ainsi perturbée. D’ailleurs Iscan n’est pas un provocateur de catastrophes. Elles ne sont, chez lui, ni plus inquiétantes, ni plus terribles que les ‘accidents’ des paysages des primitifs, hérissés de rochers, de crevasses, de montagnes aux pics impressionnants. Mais dont l’agressivité est tempérée par des constructions, des châteaux, et des villas ceintes de murailles. Si bien que là où l’homme est passé, une nature, si sauvage soit-elle, finit toujours par ressembler à un jardin.
« Ramener un morceau de nature à cette masse offre à Iscan de bien jolies analogies avec la domestication de la terre à des fins utilitaires. Et l’on peut bien penser qu’elle est lucide, et volontaire, cette nature ponctuée d’eaux et de forêts, en discrète quantité et promptes indications, qui évoque une miche de pain. Le paysage est devenu l’objet symbole de la paix, de la richesse et de la vie des hommes, de ses rapports les plus fondamentaux avec leur environnement.
« Sans doute faut-il justifier une démarche. Serait-elle solitaire, n’aurait-elle nulle volonté de participer à une démarche théorique qui implique le rassemblement, le groupe, le militantisme, le manifeste, elle est d’une époque donnée. Elle la reflète, contribuant à l’élaboration d’une sensibilité commune, s’articule, sinon sur des événements, du moins sur des courants de pensée, de sensibilité, qui sont, même inconsciemment, profondément nourris de l’événementiel.
« Tant par sa manière d’être, de vivre, que de peindre, Iscan n’est pas de ceux qui sont aux créneaux, alors que l’ennemi est annoncé. On ne le voit pas s’afficher (au propre et au figuré) pour toutes les causes qui passent. Non qu’il établisse des frontières étanches entre sa vie et son art, mais son art est une respiration qui va chercher son oxygène dans le quotidien, le familier, l’intime. Et certainement pas dans les colonnes des journaux, ou dans cet œil fabuleux, ouvert sur le monde, qu’est la T.V.
« S’il s’engage pour une cause, il n’en fait pas étalage. S’engage-t-il seulement ? Cela n’entre pas dans ce qui se montre. Il a ses pudeurs, comme celles de ne pas s’être fait un personnage, d’avoir identifié son œuvre à sa silhouette. Il est à la fois trop modeste et trop ambitieux pour cela.
« Et s’il ne se met pas au goût du jour, il est cependant moderne. Malgré lui. Ou par une évidence des choses qui fait que peindre aujourd’hui, et même un paysage tranquille, suppose une certaine manière de faire qui tient compte des acquis du passé, et d’une certaine manière de le dépasser. Le jeu de cadrage, de ‘mise en boite’, dont il use, alternativement, et sensiblement pour le même type de sujet, sont autant d’éléments d’une modernité qui ne s’immisce pas dans le sujet. Celui-ci reste intemporel. Poussin et Corot auraient pu planter leur chevalet devant le même paysage. Et sans doute quelque chose de son art tient de l’un et de l’autre ; comme il tient aussi de l’art chinois. Car telle est la force de la culture, qu’elle assemble, mixte, harmonise des particularités stylistiques venues d’horizons différents. Mais la diversité n’entraîne ni la discordance, ni le tumulte. L’art d’Iscan est de ceux qui parlent de la nature, de sa grandeur, de sa pluralité, de ses charmes, et de ses mystères. Sans hausser le ton autant, ni tomber dans la suavité, son contraire.
« Il visualise non seulement l’aspect provisoire, la parure d’une saison, l’éclairage d’une heure donnée, bref l’instant volé, mais l’assise des choses. Il lie l’instant à la pérennité de l’élémentaire.
« La pratique de la peinture a ceci de particulier qu’elle s’épuise à fixer le temps, quand elle a tout le temps pour elle, qu’elle a le souffle des éternités. La preuve ? Une photographie vieillie. Elle tient son charme de cette marque du temps qui y est visible, comme sur un visage, dont la beauté tient à sa fulgurance, les rides y sont l’approche d’une fin.
« La peinture, elle, ne vieillit pas selon le même rythme. Et la nature change moins vite qu’on le dit. Entre un paysage d’Iscan et un paysage de Courbet, il y a moins de distance qu’entre une photographie d’aujourd’hui, et les tout premiers clichés connus.
« Iscan s’approche de la nature, et l’interroge, là où le souffle d’une pensée bucolique fut, à un siècle de distance, tout aussi génératrice que la sienne d’un bonheur possible.
« Mais au lieu d’imprimer son paysage de quelques marques littéraires, Iscan préfère la nudité d’une réalité objective. S’il ne pratique pas une manière froide, hyperréaliste, c’est parce qu’il sait que cette manière-là, revendiquant l’objectivité, est en fait un concept, et qu’elle marque la réalité du sceau de la mort qui la fige.
« Il peut apparaître paradoxal qu’une vision où passe le rythme d’une écriture personnelle, soit plus vraie, plus proche de la réalité, que celle qui relève de quelque chose de mécanique. Mais autant cette manière mécanique — qui peut être la simple transcription, en peinture, d’une image obtenue par la photographie — est, par sa distance même, un choix intellectuel, autant une manière de voir ‘sensible’, personnalisée, est conforme à la vision de chacun, puisqu’il est admis que l’on ne voit pas la réalité objectivement. Mais selon sa sensibilité.
« Parce que celle d’Iscan n’est pas de nature extravagante, qu’elle ne charrie pas des éléments extérieurs à cette intimité conforme à nos relations avec le paysage, elle est en mesure de satisfaire le plus grand nombre. Non qu’elle soit réductrice, ni davantage une demi-mesure, mais vraiment, de toute évidence, un regard si fraternel, si limpide, sur la réalité, qu’elle est en mesure de rallier le plus grand nombre. Iscan faisant une peinture que beaucoup voudraient faire, sans pouvoir y parvenir.
« Iscan se trouve réellement révolutionnaire dans cette absence de singularité agressive, qui fait le ressort de bien des démarches artistiques, depuis qu’il était admis qu’être artiste, c’est être bien différent. Et que cette différence était de nature à constituer l’essentiel du talent. À tel point qu’on verra des artistes n’exister que par l’affirmation répétitive de cette différence.
« Rien de tel avec Iscan qui renoue avec les peintres artisans d’autrefois, surtout soucieux de bien faire, de bien dire, et parés de cette grâce particulière, qui fait les poètes, c’est-à-dire des confidents de la nature.
« La réduction progressive du contenu du tableau aura amené le peintre à marquer d’autant plus fortement de son empreinte la surface à peindre, qu’il se sera identifié dans un geste primaire, qui doit se suffire à lui-même, signifier et distinguer le peintre des autres, même et surtout s’ils pratiquent la même économie de moyens. Substituant à un discours élaboré, une violence soit-disant investie du pouvoir d’expression qui deviendra un critère de qualité.
« Du même coup, un tableau moderne se lit dans sa globalité, et, le plus souvent, comme le spécimen d’une œuvre qui, par son caractère répétitif, annule un effet que la rareté seule aurait pu justifier, valorise. Un phénomène de redite, de radotage, enfermant le peintre dans un système qui reviendra à incarner son œuvre dans une signature, un sigle, une marque de fabrique, un état hyperbolique de son écriture.
« Peinture-choc, peinture à base d’effets, qui aura épuisé, par ses excès mêmes, ses possibilités, alors que le même attachement au glissement régénérant de l’écriture vers la peinture, du principe de la personnalisation de la touche jusqu’à y imposer son potentiel d’émotivité, de culture, un état de correspondance du créateur avec le milieu ambiant, n’est nullement contradictoire avec une organisation de la surface d’une tableau, qui vit aussi de ce petit frisson qui passe par la main du peintre, mais se surajoute à d’autres frissons, à d’autres effets, à une multiplicité d’informations conjuguées.
« Un tableau d’un primitif est une somme. Il a les dimensions d’une cosmogonie. Regardez-le à la loupe. Il est foisonnant et divers, multiple, et cependant, à l’œil nu, la cohésion des détails est parfaite, l’unité incontestable, quelque chose est passé par là, qui a ordonné la turbulence du monde. C’est dans cette optique-là que se situe la démarche d’Iscan qui refuse les schématisations au nom de l’expression de soi, l’effet immédiat se suffisant à lui-même, et, au nom de la nécessaire spontanéité de l’émotion, d’un rendu sans complexe ni censure. Iscan, se méfiant tout à la fois de la réduction, et des privilèges accordés au geste pictural devant se suffire à lui-même. Si bien que dans le temps même où il additionne sur la toile plusieurs tableaux possibles, une infinité de détails parfois codés, se référant à des goûts personnels, des événements de sa vie propre, il prend du recul, allège sa touche jusqu’à la presque absence de soi dans la peinture. Le souffle de soi, et non le poids inquiet de ses angoisses, de ses fantasmes.
« Un retrait pudique qui retrouve celui des primitifs nullement dénués de personnalité, et point résolus à remplacer par le savoir-faire ce qui relève de l’émotion. D’ailleurs toujours présente. Magnifiquement exprimée.
« Iscan globalise aussi une diversité qui charge son tableau d’une large possibilité de lectures qu’on ne soupçonne pas toujours à une approche trop rapide. Ayant le même goût de la synthèse, l’habitude de la voir privilégiée dans la peinture que produit notre époque, on peut très bien en rester à cette estimation qui ramènerait la peinture d’Iscan à être presque banale. Mais elle est loin d’avoir cette innocence ».